La cour des comptes sur le rSa : était-ce vraiment nécessaire ?

Cela n’excite qu’un certain type de fonctionnaires et d’individus louches : la cour des comptes a rendu public son rapport thématique sur la transition du RMI au rSa. La cour est en général une mauvaise jouisseuse, elle « se plaint » souvent des « limites » des politiques qu’elle observe, elle « regrette » les faiblesses de tel ou tel instrument, les propositions qui en découlent sont pourtant rarement précises. Ces rapports n’en restent pas moins de beaux exercices administratifs et, à défaut d’être des rapports mémorables, comme savent le faire nos voisins, ce sont de bonnes synthèses sur l’état d’une politique.

On pourrait certes éventuellement leur recommander de faire davantage d’enquêtes de terrain (mais vraiment sur le terrain et pas juste dans le bureau du DGS d’un conseil général), de mobiliser des compétences techniques extérieures notamment sur les questions d’évaluation et ainsi plutôt que de regretter le manque d’évaluation (le grand frisson actuel de l’administration), elle pourrait avoir un propos plus nuancé qui lui dispenserait de se faire élégamment corriger par le président du comité d’évaluation, l’impeccable Bourguignon.

La charge est un peu rude mais on constate à regret que le rapport sur le rSa tombe dans tous les écueils redoutés: titres de parties à l’emporte pièce ou creux (on devrait faire faire des stages chez Libération aux jeunes auditeurs de la Cour); analyses vaporeuses et approximatives des questions traitées; faiblesses des recommandations; incapacités à conduire des études de cas précises. Dommage, dommage.

Sur le fond, quelques idées fortes cependant quoique parfaitement prévisibles. La notion de contractualisation, dont on comprend bien la logique administrative (qui fait quoi pour qui?) s’avère faiblement opérante dans les faits, les situations individuelles étant ce qu’elles sont.

Dans l’association où je travaille, nous croisons une centaine de bénéficiaires du rSa chaque année, c’est peu et en général, elles viennent à nous parce qu’elles veulent travailler. Pourtant, on observe que même pour celles qui sont incapables, objectivement, de travailler (illettrisme, problèmes de santé…) l’accompagnement social ne vient qu’en traitement d’un accompagnement professionnel, et non l’inverse. Cela ne veut pas dire que la notion d’insertion sociale ne fait pas sens, pour certains et dans certaines situations, c’est juste que dans une très grande majorité de situations, c’est le boulot le levier.

Passons, sur la répartition des tâches, je vais sans doute être un peu raide mais c’est ce que nous observons. Les bénéficiaires ne savent pas ce qu’est le conseil général, tout au plus connaissent-ils l’association d’insertion qui est conventionnée avec; le « pôle emploi » est en revanche une institution bien connue mais on y est « inscrit », rarement « suivi ». Bref, il serait grand temps de remettre à plat l’organisation opérationnelle de l’insertion et d’y mettre un peu plus de ce que l’on nomme dans les grands cabinets de conseil de l »hyperlocalisme ». C’est un peu du « y a qu’a faut qu’on », mais c’est dans les faits ce qui marche en général. Quoiqu’on en dise, il existe souvent une réserve de pognon, de compétences et de savoir faire (y compris au niveau communal), bien souvent négligée au profit de logique techno dont on sait ce qu’elle produit et on souscrit assez largement à l’inutilité emblématique des pactes territoriaux d’insertion (PTI), dont on ne sait vraiment pas à quoi ils servent.

Beaucoup à dire donc sur les politiques d’insertion et leurs limites, trop peu à lire et à retirer du rapport de la Cour. On lira cependant avec attention la réponse des institutions en fin de rapport avec la contribution inoubliable de l’ADF qui fait une fois de plus la démonstration d’une bonne connaissance des dispositifs, corrigeant par endroit la cour des comptes de façon pertinente (notamment sur l’articulation des PDI et des PTI) mais qui s’embourbe dans une rhétorique anti-gouvernementale franchement désespérante; des cabinets ministériels concernés qui montrent combien certains conseillers techniques sont décidément peu au courant des politiques qu’elles régulent et surtout des conseillers généraux qui réservent de grands moments de littérature administrative, morceaux choisis à lire page 132 et 125.

Pour finir, et en rabe, on peut lire avec attention le policybrief du MDRC sur les différentes mesures d’incitations financières à la reprise d’emploi existant dans certains pays. C’est solide, précis et documenté.

 

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